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— Aux sahibs honorés, je venais apporter une grave nouvelle.

— Quelle nouvelle ? Parle !

— Eh bien, le sahib qui accompagne les sahibs et qui est actuellement dans sa chambre…

— Achève donc… Qu’a-t-il le sahib ?

L’hésitation du domestique s’accusa davantage, sa voix sonna indécise :

— Est-ce que les sahibs ne se sont jamais aperçus que son esprit voyage ?

La locution persane qui exprime la folie n’est pas connue des voyageurs. Ils considèrent l’homme avec égarement.

— Voyage… ; pourquoi, voyage ?

Et l’interpellé frissonne en expliquant :

— Allah reprend parfois l’esprit qu’il a donné à l’homme, afin de le charger de ses courses dans l’infini.

Uko s’énerve, mais la légende de l’Islam l’a mis sur la voie :

— Tu veux dire que notre compagnon est fou.

— Si ta Noblesse le permet, telle est, en effet, mon intention.

— Et d’où te vient cette pensée ?

— Je vais le dire aux sahibs, en leur recommandant de se tenir sur leurs gardes, car leur ami doit être un fou dangereux.

— Dangereux maintenant ! Mais qu’a-t-il fait pour être jugé ainsi ?

Le Bassoranite s’incline encore, et l’échine courbée, il susurre :

— Il a demandé un baquet plein d’eau.

— Bon… Un homme sain d’esprit peut aller jusque-là, souligne Emmie qui conserve son imperturbable gaieté.

— Je pense comme la noble jeune dame, psalmodie dévotieusement le serviteur, et je ne me serais pas permis de troubler les hôtes illustres du caravansérail s’il n’y avait que cela.

— Qu’y a-vu de plus ? C’est à mourir d’être livré à un bavard pareil.

— Je parle. Il a demandé un baquet. Puis il a installé autour de lui une armée de petites fioles emplies d’eaux de couleurs diverses. Il les vide une à une