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Ceci surtout les bouleversait…

Ils ne comprenaient pas qu’ils eussent laissé Emmie agir à sa guise, de façon si contraire au devoir de l’ambassadeur japonais.

Et l’émoi de tous leur parut résonner dans les paroles que le père de Sika balbutia d’une voix assourdie, comme lointaine :

— Emmie, pourquoi m’avez-vous trahi ?

À leur grande surprise, la fillette éclata de rire.

— Ah ! bon, plaisanta-t-elle en dominant avec effort son hilarité. Vous croyez que je vais me laisser bombarder de grands mots bien insolents.

Et le Japonais, secouant tristement la tête, disait avec une résignation mélancolique qui ne manquait pas de grandeur :

— Je n’emploierai pas ces mots avec vous. Je me souviens que, grâce à vous, nous avons sauvé ma fille bien aimée. Je ne vous accuserai donc pas. Laissez-moi seulement déplorer d’être déshonoré comme diplomate.

— Oh ! déshonoré, fit la cousine de Marcel avec une légèreté stupéfiante, en voilà une idée !

— Vous ne comprenez donc pas que ce dépôt, confié à mon honneur…

— Ne devrait vous être arraché qu’avec la vie, plaisanta la gamine.

— Vous l’avez dit ; je ne puis plus vivre dès l’instant où je me le suis laissé dérober.

— Oh ! père ! gémit Sika, terrifiée par la sombre déclaration, père chéri, ne répète pas ces choses lugubres qui me rendent folle. Toi, mourir… Que deviendrais-je ? Crois-tu que je consentirais à vivre sans t’avoir près de moi ?

Soudain l’organe de Tibérade s’éleva :

— Mademoiselle, général, je vous en conjure, ne vous abandonnez pas aux rêveries tragiques… Je connais ma petite cousine… Ses yeux rient. Donc l’aventure ne doit pas être aussi dramatique que vous vous le figurez.

Et les Japonais levant la tête, considérant Emmie avec une interrogation anxieuse de tout leur être, la fillette s’abandonna à un rire fou, réussissant à peine à prononcer, parmi les fusées de son inexplicable gaieté :