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Ahmed est de ceux qui rendent offense pour offense, blessure pour blessure.

D’un geste violent, il actionna brutalement un second levier. Un déclic se produisit. Horreur ! La grille séparative des deux courettes se mit lentement en mouvement. Elle glissait doucement, avec un léger froissement métallique disparaissant peu à peu en une rainure ménagée dans la masse de l’une des parois latérales. Plus rien ne séparait maintenant la jeune fille des lions. Sika était livrée aux bêtes. La cruauté atavique de l’Asiate, cruauté que la Rome antique imita pour son malheur, venait de condamner à mort la douce créature, coupable seulement de ne pas s’être inclinée devant les ordres du maître.

Le grincement de la grille, sa marche inexplicable pour eux avaient inquiété les fauves. Ils avaient reculé jusqu’au mur opposé. Là, arrêtés par la paroi de pierre, les yeux flamboyants, ouverts démesurément sur la proie soudainement offerte à leurs gueules avides, à leurs griffes formidables, ils semblaient hésiter.

Tantôt l’un, tantôt l’autre esquissait un mouvement en avant qu’il n’achevait pas.

Ils n’osaient pas se ruer sur la jeune fille. On eût cru qu’un instinct obscur leur faisait redouter une embûche venant de cette victime mise si facilement à leur portée.

Sika, elle, sentit ses idées tourbillonner dans son crâne, en une farandole désordonnée. Ces lions, contractés à quelques pas d’elle, prêts à se ruer, à l’engloutir dans une bousculade fauve, l’affolèrent, et sans conscience de crier, ses lèvres s’ouvrirent pour laisser passer cet appel rauque, machinal, extrahumain :

— Marcel ! Marcel ! Au secours !