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jeune fille, dit-il ; aussi longtemps qu’elle continuera à se dresser en avant de toi, tu seras défendue contre le péril que, ton trouble le décèle, tu as mesuré. Mais l’obstacle peut disparaître à mon vouloir, je t’en avertis charitablement avant de réclamer pour la dernière fois la réponse que mon cœur ulcéré a attendue si longtemps. Jeune fille, Ahmed t’a fait l’honneur de te distinguer. Sois l’épouse d’Ahmed ; c’est la fortune, la puissance, la domination… J’espère que tu ne préféreras pas donner ta grâce en pâture à mes lions.

L’ironie a un effet inattendu ; ce dilemme brutal dissipe la peur de Sika. Son orgueil lui rend la volonté, le courage de la résistance. Elle mourra en Japonaise vaillante, soit ; mais elle ne se pliera pas au caprice que prétend lui imposer ce barbare.

Avant de disparaître, elle lui jettera du moins à la face tout le mépris dont son âme est pleine.

— Oh ! prononce-t-elle du ton inspiré de ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie, la mort me paraît cent fois préférable à l’existence auprès de vous. Barbare, connaissez la femme d’Europe. Nous ne sommes point des esclaves sans pensée : notre âme reste libre ; elle se donne seulement à qui a su mériter ce don.

Il écoutait, une flamme s’allumant en ses yeux. La rage montait en lui.

Les paroles de la prisonnière le piquaient ainsi que des langues de feu. Il s’affolait de souffrir ainsi par le fait d’une captive ; mais il restait incapable de percevoir la noblesse de son interlocutrice.

Enfin, elle acheva par cette conclusion, qui agita son ennemi comme un vent de folie :

— La plèbe, chez nous, est supérieure aux grands seigneurs persans. Jugez des sentiments que ces derniers m’inspirent.

La stupeur d’Ahmed était indicible. Et de cet étonnement naissait la plus épouvantable colère qui se puisse rêver.

Il s’était attendu à voir sa captive se prosterner, implorer sa clémence.

— Vous me bravez ! s’écria-t-il d’une voix rauque. Vous m’insultez ; vous pensez : Cet homme m’est attaché, il ne se vengera pas. Vous vous trompez,