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personnage, les poignées de bois de leviers métalliques qui lui semblaient fichés dans la margelle. Elle allait en comprendre l’usage.

Ahmed se pencha vers l’un d’eux, le saisit et, d’un brusque effort, lui fit décrire un arc de cercle autour de son point d’attache.

Et la jeune fille demeura médusée, une moiteur glacée perlant sur son front.

La porte de la seconde courette, cette porte placée en pendant de celle qui avait livré passage à la prisonnière, venait, sous l’action d’un ressort manœuvré par la tige de fer, de s’ouvrir, découpant dans la paroi blanche du puits un rectangle d’ombre.

Par l’ouverture, jaillissant de l’obscurité comme des djinns, des lions bondirent.

Ils étaient trois, magnifiques spécimens des félins de Perse, aussi robustes que ceux d’Afrique, dont ils se distinguent par l’absence de crinière, trois monstres développant leur musculature puissante, leurs griffes, leurs dents énormes, devant la Japonaise pétrifiée.

Les fauves, un instant éblouis par la clarté soudaine, découvrirent bientôt Sika qui, les traits convulsés par l’épouvante, incapable d’un mouvement, conservait une immobilité de statue. Avec des rauquements avides, ils se ruèrent sur la grille isolant de leur atteinte la proie convoitée. L’obstacle les irrita. Leurs rugissements redoublèrent d’intensité, faisant gémir les échos du palais.

La situation était affreuse. Certes, Sika, si effrayée qu’elle fût, se rendait compte qu’elle ne courait aucun danger immédiat ; cependant, la vue des carnassiers suffit à produire sur elle une sorte de fascination. Elle eut l’impression terrifiante que tout à l’heure, invinciblement attirée en avant, elle irait vers la grille de séparation se mettre à la portée des fauves bondissants.

Du haut du puits, sa face grimaçante se glissant entre les barreaux de la grille circulaire, Ahmed se délectait de la terreur de sa victime. Il jugea sans doute qu’elle était à point pour céder à sa volonté, car, distillant avec une lenteur cruelle les phrases décisives :

— Une grille te protège encore contre mes lions,