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aucune réponse plausible. L’instinct seul l’avertissait d’un danger.

Ah ! l’instinct, mille fols supérieur à la raison, l’instinct que les anciens, plus naïfs et plus intelligents que les modernes, appelaient le pressentiment, lui jetait sa clarté.

— Les lions ! avait-elle dit.

Comme pour préciser ses craintes, un rire moqueur tomba de la partie supérieure du puits, mêlant ses résonances à celles de l’exclamation apeurée.

De suite Sika leva les yeux dans la direction du son, et il lui sembla que son âme s’abîmait dans l’horreur.

Le prince Ahmed, les mains crispées aux barreaux de la grille entourant la cavité, la couvrait de regards flamboyants.

L’ennemi était là.

Il concentra son regard sur celui de sa victime avec une fixité menaçante, et gouailla, barbare et cynique :

— Eh quoi ! Vous semblez troublée par la voix de mes avocats… Ils ont donc un organe bien timbré ? Les avocats… les avocats… Quelle révélation sinistre dans ces paroles. Oh ! les syllabes atroces ! Elles tourbillonnèrent dans la tête de la jeune fille, lui causant une douleur insupportable.

Mourir, elle y consentait tout à l’heure, mais mourir sous la griffe des lions, quel superlatif d’horreur !

Un instant, son cœur cessa de battre. Elle formula machinalement, du fond d’elle-même, le vœu de s’effondrer de suite dans le néant, d’échapper ainsi aux tortures qu’elle devinait en avant d’elle.

Le Persan se méprit sur la cause de son silence ; il crut à un entêtement de la pauvre enfant.

— Entendre ne suffit pas toujours, plaisanta-t-il, on préfère parfois voir. Chez les femmes, la conviction pénètre par les yeux plus que par les oreilles. Eh bien ! mais ceci n’est point pour m’embarrasser ; j’ai tout prévu, chère et belle ennemie, bientôt fiancée obéissante.

Du fond de la courette où elle vivait cette agonie, Sika discernait, à la surface du sol, auprès du cruel