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— Non, non ; il a bien agi là. Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir !

Et, se tordant les mains, offrant l’image du désespoir :

— Marcel ! Marcel !… jeta-t-elle dans un sanglot, venez au secours de celle qui n’espère son salut que de vous !

Une sensation ardente envahit son visage. Une rougeur plaqua son front, ses joues aux tons d’ambre pâle. Elle promena autour d’elle un regard tout chargé de stupeur :

— Qu’ai-je dit ? Pourquoi mon âme appelle-t-elle ce Français, ignoré il y a quelques semaines ?… Pourquoi ? oui, pourquoi ?

Sans nul doute, son moi intérieur, ce confident indiscret de ses plus secrètes pensées lui donna la réponse à cette question imprudente. Les jeunes filles lisent toujours clairement dans leur cœur ; toutefois, les lèvres de Sika se serrèrent ; on eût cru qu’elles barraient la route à l’aveu inclus dans son interrogation. Et, conclusion naturelle de la découverte sentimentale qu’elle venait de faire, la mignonne Sika se prit à pleurer.

Plusieurs jours passèrent sans que la situation de la prisonnière subit de moindre changement.

Une fois par vingt-quatre heures, Ahmed se présentait devant la captive, et avec une affectation de politesse, plus pénible que des menaces, il s’informait de l’état de ses réflexions. À chaque visite, les mêmes répliques se succédaient :

— Jeune fille, avez-vous réfléchi ?

— On ne peut pas réfléchir alors que la liberté vous est ravie.

— Vous ne la souhaitez pas encore assez vivement. Soit ! Je vous dis : à demain. Peut-être la nuit vous apportera-t-elle la raison.

Et il s’éloignait sans manifester son irritation.

Elle la devinait pourtant, grandissant chaque jour, prête à éclater en transports furieux. Des frissons parcouraient ses membres lorsqu’elle envisageait le moment où le courroux du Persan s’épandrait au dehors. Et les heures coulaient, atrocement moroses. Moroses, certes, dans cette médressé, où Sika était réduite à la société monotone des femmes, corps sans