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gresse saluant la jeune fille la paralysèrent, en portant au delà de ses forces une terreur incoercible. Sans conscience maintenant, elle traversa le camp des montagnards ; elle entrevit à peine les innombrables tentes alignées, au front desquelles se pressaient des guerriers vigoureux, brandissant leurs armes, faisant parler la poudre, hurlant à pleins poumons les louanges du mort auquel on allait sacrifier la captive ; elle frissonnait convulsivement sous la tempête des clameurs humaines, à quoi les chevaux entravés en longue files, ripostaient, tels des répons d’une cérémonie barbare, par des hennissements aigus. Les coursiers tenaient dignement leur partie dans le concert farouche accueillant la condamnée au feu.

Des chefs druses, à l’aspect féroce, pistolets et poignards passés à la ceinture, entourèrent alors Sika. Seulement, avant de l’abandonner à ces fanatiques geôliers, le prince Ahmed murmura dans un souffle imperceptible à l’oreille de la malheureuse fille du général, qui l’entendit à peine :

— Confiance ! Je vous sauverai ; j’en fais serment. Elle se soutenait difficilement ; elle se laissa entraîner par les bourreaux avec l’abandon d’une personne qui comprend que larmes ou supplications seraient inutiles.

L’immense édifice, aux murailles bizarrement ornées d’incrustations de mosaïque, profilait devant elle sa silhouette dentelée de créneaux, d’embrasures, de mâchicoulis. Sous l’escorte des chefs, elle franchit des portes, gardées par des herses, traversa des cours, des allées, des pièces, des couloirs dont les planchers disparaissaient sous des tapis épais, étouffant le bruit de ses pas. Enfin, elle fut portée dans une salle spacieuse, qui recevait la lumière par une fenêtre grillagée, au delà de laquelle s’apercevait un jardin intérieur entouré de hautes murailles de briques. La porte se referma sur la prisonnière avec un claquement sec du pêne. Un long murmure suivit, résonance désolée à travers les bâtiments du palais du heurt du lourd panneau renforcé de ferrures, qui scellait dans la tombe la victime de la cruauté druse.

Sika se vit seule, elle songea que, peut-être, elle