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Il prononça cela d’une voix douce, paisible, comme s’il avait exprimé la chose la plus naturelle du monde.

Sika frissonna, plus terrifiée par ce calme que par une menace brutale. Néanmoins, elle essaya de faire tête à son ravisseur. Et puis en questionnant, peut-être apprendrait-elle quel ennemi la persécutait.

— Vous parlez d’esclaves, de palais. Pour ajouter foi à vos paroles, il me faudrait savoir où vous me conduisez.

— Soyez contentée. Nous allons à Bassorah, dans le palais du prince Ahmed.

— Ahmed ? J’ignore ce nom. Qui êtes-vous, vous qui le prononcez ?

— Le prince Ahmed lui-même, votre serviteur.

— Mon serviteur !

Elle redit ces quatre syllabes dans un rire nerveux, grelottant.

— Ah ! si vous disiez vrai, vous ne me sépareriez pas de mon père ; un serviteur, digne de ce titre, ferait stopper cette machine, me laisserait la quitter, ou bien encore il me ramènerait à Beyrouth.

Son interlocuteur baissa la tête, et la voix assourdie par une incompréhensible émotion :

— Cela, je ne le puis pas.

— Et pourquoi donc, je vous prie ?

— Parce qu’il faut que vous soyez enfermée dans la demeure de Mohamed, le défunt Seigneur druse du Liban.

Elle le toisa avec stupéfaction, prête à le croire dément.

— En quoi ai-je affaire dans cette maison ? Quel est ce Mohamed défunt ?

— Le Seigneur souverain des Druses. Son regard, prêt à s’éteindre dans la mort, s’est fixé sur vous. Aussi, lui trépassé, le conseil a décidé, selon l’usage, d’incendier sa résidence et de vous sacrifier en holocauste, avec ses trésors, aux mânes du chef disparu.

Et, comme elle répondait par un cri d’épouvante à cette sinistre affirmation, il reprit d’un ton insinuant amical presque :

— Ne tremblez pas. Je vous sauverai ou je périrai avec vous.