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heurtant les planchers, pour le ramener des pays bleus où l’avait emporté sa fantaisie.

Le tapage montait du rez-de-chaussée. Une curiosité instinctive conduisit Pierre à sa fenêtre. Il regarda au dehors. Sous la clarté des globes électriques encadrant l’entrée de l’Ismaïl, plusieurs hamals se suivaient portant d’énormes malles.

Le jeune homme eut un cri :

— Les malles de Lydia.

Mais oui, il les reconnaissait, ces trunks achetés à Port-Saïd par la jolie Anglaise. Comment ces bagages, entraînés vers Smyrne par le vapeur Parthénon, revenaient-ils à Beyrouth ? Il n’en avait pas la moindre idée. Seulement, un espoir tourbillonna en cyclone dans sa tête :

— Avec ses colis, Lydia n’avait-elle pu revenir de Smyrne ?

Et dans une course machinale, non justifiée par un raisonnement quelconque, il bondit vers la porte de sa chambre, l’ouvrit violemment, parcourut le couloir en trombe, dégringola l’escalier ainsi qu’une avalanche.

Il aurait continué cette galopade affolée dans le vestibule si… si, debout devant la porte vitrée du « bureau », il n’avait distingué une délicieuse et chère silhouette, s’il n’avait entendu un organe exquis, prononcer avec un accent britannique léger, suave, gazouillis d’oiselet, caressant, enveloppant, divin :

Yes, je prie, la chambre de suite et une collation. Ah ! je rappelle. Théière et eau bouillante. J’ai mon thé avec moi et je fais l’infusion moi-même. Elle sortait de l’office. Son mouvement la plaçait juste en face de Pierre.

Deux cris se répondirent :

— Mistress Honeymoon !

— Master Pierre !

Dans le désarroi de la rencontre, Lydia oublia le cant anglo-saxon. Ses mains se tendirent, éteignirent celles du jeune homme, et sa voix força l’obstacle de ses lèvres roses pour lancer des mots émus, tremblotants, et si doux, si gentils, que celui qui en était l’objet sentit des larmes couler sur ses joues.

Une heure plus tard, Cruisacq réintégrait sa chambre. Il avait mis la blonde Lydia au courant des évé-