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On arrivait à Hillah. Marcel se félicita de l’escale en ce point, car au débarcadère même, établi sur pilotis à demi pourris et que la première crue semblait devoir emporter, un nouveau billet d’Emmie l’attendait. Le porteur, un grand gaillard à l’air somnolent, affecté à l’important service de l’amarrage des câbles de retenue des radeaux à des anneaux, rongés par la rouille, fixés tant bien que mal sur le plancher du débarcadère, s’acquitta de la remise du message sans paraître se réveiller.

La gamine affirmait sa belle santé et pressait son cousin de se hâter vers Bassorah.

Se hâter !… Ironie involontaire formulée à l’instant même où, de par la volonté des bateliers, les passagers étaient tenus de perdre vingt-quatre heures à Hillah.

Pour échapper à la mauvaise humeur, Marcel entraîna Uko à la visite de la cité.

Hillah n’est qu’une bourgade ; mais autour de la petite agglomération, sur une étendue de plusieurs kilomètres carrés, égale au moins à la superficie de Paris, cachés sous des bouquets d’arbres, des marais, des tumuli amoncelés par la poussière des siècles, dorment les prestiges de la puissante Babylone. De-ci de-là, jaillissent du sol des ruines massives, des débris de temples, de palais, de murailles… Mais parmi ces formes colossales de granit, on chercherait vainement la trace des jardins suspendus dont s’émerveilla l’antiquité. De la cité, géante, dominatrice, quelques décombres, s’effritant un peu plus chaque jour, sont tout ce qui reste. Tibérade réédita le mot du voyageur Lincoln, si navrant dans sa concision :

« Ci-gît une civilisation qui ne renaîtra pas ! »

Le lendemain, les passagers du kellek, maintenant réparé, ressentirent un réel plaisir à se rembarquer, à s’éloigner de ce tombeau d’un empire. Il y a une tristesse à fouler ce qui fut grand et n’est plus que poussière.

Enfin, le vingt-septième jour de navigation, l’immense oasis de dattiers, dont Bassorah occupe le centre, se montra à leurs yeux.

Puis, les habitations, les palais bordèrent le fleuve.

Pour la première fois depuis leur entrée en Turquie d’Asie, les voyageurs avaient l’impression d’une ville