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gence, pour la rejoindre à Bassorah dans le plus bref délai possible.

Tranquillisés en obtenant ainsi l’assurance que la fillette se portait bien et continuait son voyage sans accidents, les poursuivants du geôlier de Sika pressèrent les mariniers, afin de ne pas séjourner à Bilissia.

Les bonnes paroles, quelques pièces de monnaie, donnèrent à ces braves gens une énergie inaccoutumée, si bien que, deux heures plus tard, le kellek paré, chargé de ses provisions de route soigneusement arrimées, se balançait au long de la rive, prêt au départ.

Les bateliers à leurs postes brandissaient les longues perches, qui sont le seul moteur usité sur l’Euphrate. Les passagers embarquèrent ; le radeau déborda et glissa silencieusement sur les eaux paresseuses, au mouvement berceur, qui coulent sans remous vers le golfe Persique.

Cette navigation monotone devait durer de longs jours. Tantôt l’esquif longeait des falaises abruptes, formées de roches rougeâtres. Alors l’eau, courant sur un fond de même nature, prenait une teinte sanglante. Tantôt au contraire, le lit du fleuve, large de un à deux kilomètres, se contournait en méandres serpentins, au milieu de vastes plaines imprimant au paysage une monotonie attristante. De rares bouquets de palmiers, des ruines géantes, où s’unissaient les tons rouges de la brique et la teinte noire du basalte, bossuaient seuls ces plateaux désertiques. Ici encore, l’incurie de l’administration turque a fait la solitude, là, où jadis, florissaient de puissants empires. Le sol, qui nourrissait des peuples nombreux, est devenu stérile. Les journées se consumaient, lentes, interminables, dans le bourdonnement peu récréatif de nuées de moustiques altérés de sang ; le soleil ardent grillait littéralement les voyageurs ; puis, quand l’astre qualifié de radieux par les poètes s’était enfoncé sous l’horizon, les navigateurs avaient à se garantir de la fraîcheur des nuits, propagatrice de fièvres pernicieuses, moins dangereuses que celles d’Afrique ou du Sud américain, mais assez violentes pour interrompre un voyage durant des semaines.