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ques pas et immobilisée par le sommeil ou par une pieuse méditation.

Il se secoue. Il a rêvé, l’ignorant guerrier ne connaît pas l’existence de Venise la Belle et du Pont des Soupirs. Sans cela, il ferait certainement un rapprochement et ne se morigénerait pas d’avoir cru possible que la nuit soupirât.

Il vient de se déclarer que cela ne saurait être, et vlan, comme pour lui infliger un démenti, le souffle inexpliqué passe de nouveau dans l’air.

Et puis, un nouveau sujet d’inquiétude se révèle au guerrier qu’halluciné la présence du talisman.

Ne lui semble-t-il pas que le vêtement du Prophète est agité de frémissements légers ?

Il se gourmande. Est-ce qu’en faction, un vaillant doit voir double ? Il se leurre évidemment ; pourquoi cette oriflamme de drap frémirait-elle en l’absence de toute brise ?

À peine s’est-il adressé cette question, très sage pourtant, que le mouvement s’accentue. Les jambes de drap gris s’agitent furieusement en une sorte de gigue inédite.

Kalfar fait appel à toute sa bravoure. Il s’approche prudemment de l’objet vénéré. Il grelotte d’épouvante, mais il contraint sa terreur à se plier au devoir du guerrier.

La gigue cesse. Les jambes d’étoffe se figent dans une immobilité complète. Parfait ! le guerrier s’éloigne rassuré ; tout aussitôt le vêtement se remet en danse.

Ah çà ! le talisman se moque de lui. Le brave Kalfar, sur le front duquel ruisselle une sueur froide, ouvre la bouche ; il va appeler sa jeune compagne de faction. Ce n’est qu’une fillette, mais enfin il n’aura plus le malaise d’être seul. Et puis cette enfant, chère au Prophète, expliquera probablement l’incroyable gymnastique du pantalon sacré. Cependant l’Arabe referme les lèvres, sans proférer aucun son. Il hésite.

Emmie dort. Sera-t-elle satisfaite d’être réveillée ? S’il était observateur, le brave guerrier se fût rendu compte que la fillette était plus agitée qu’elle n’en donnait l’impression à premier examen. En effet, ses mains, allongées sur le sol, se livraient à de petits