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gestes que je vais exécuter. Cela vous semblera ridicule, mais ancrera dans la cervelle de ces braves gens le conte qui nous sera profitable, qui nous permettra de voler au secours de notre chère compagne de voyage.

Redevenue grave, de cette gravité mystique et théâtrale d’un croyant saluant La Mecque, la ville sainte, elle se prosterna à trois reprises devant le vêtement mikadonal, auquel, bien certainement, le souverain du Japon n’avait jamais supposé que pareil honneur fût réservé.

Ce soin pris, elle se rapprocha encore de la tente et prononça à haute et intelligible voix :

— Le noble Ramsès daignera-t-il recevoir sa servante ?

Et ses amis, médusés par son aplomb, la considérant avec ahurissement, l’espiègle créature eut un grand geste de bravoure et chuchota pour eux seuls :

— La lecture des romans, quoi ! On sait parler aux cheiks du désert.

Mais elle se tut. Un organe sonore avait retenti à l’intérieur de la maison de toile disant :

— Entre, jeune fille. Ramsès honore Allah, son Prophète, et ceux que Mahomet couvre de sa protection évidente.

Elle regarda Tibérade, cligna gaminement des yeux, souleva le panneau de toile masquant l’ouverture d’accès, et brusquement, disparut, laissant ses compagnons absolument interdits.

Midoulet lui-même murmurait à part soi :

— Satanée gamine, elle ne doute de rien !

Il traduisit ainsi l’admiration qu’il accordait à la fillette audacieuse et débrouillarde.

Celle-ci, certes, ne le payait pas de retour et, si le temps ne lui eût pas été mesuré, elle n’aurait point parlé en sa présence.

Seulement il fallait agir de suite. Elle s’était donc décidée, non sans s’être confié :

— Bah ! on se débarrassera de lui… Il n’est pas si malin qu’on le croit, ce monsieur !

À l’intérieur de la tente, sur des coussins multicolores, AH-Ben-Ramsès se montrait nonchalamment étendu.