Mais la chaleur intolérable les contraignit de reculer, entraînés en outre à ce mouvement par Emmie désolée, par Midoulet, qui les avait enfin rattrapés, par Véronique se montrant presque aussi affolée qu’eux-mêmes.
De fait, le doux Pierre Cruisacq subissait une crise de nervosité. Lui, l’être paisible et conciliant par nature, il était vraiment trop mis à contribution par dame Fatalité.
Sa vie se retraçait à lui comme une bande cinématographique de brutales émotions. La ruine, la misère, les faux monnayeurs, leur crime ; un palier gracieux se présentait alors, le voyage plein de charmes auprès de mistress Lydia Honeymoon. Mais cette tranquillité ne durait pas. Midoulet se chargeait d’y mettre ordre. Et maintenant le destin arrivait, à une apothéose d’horreur, le jetant devant ce brasier qui consumait la gentille Japonaise, dont la pseudo-servante se rappelait la bonté à son égard.
La lutte leur étant interdite, à bout de forces, écrasés par la douleur, Tibérade et l’officier subirent une réaction soudaine. Tous deux se laissèrent tomber sur le sol, gémissant inlassablement :
— Ma fille ! Mon enfant !
— Mademoiselle Sika !… Mademoiselle Sika !…
Les deux plaintes se répondaient dans la nuit, que l’incendie habillait de voiles de pourpre. Les flammes redoublaient de violence, comme pour narguer la douleur de deux cœurs brisés.
Et la lamentation continuait dans les ténèbres, dialogue lugubre des vivants avec la trépassée, râle déchirant qui rythmait l’agonie de deux âmes.
Brusquement, Marcel et le général se turent. Les fausses mistress Robinson et Véronique tendirent l’oreille.
Là-bas, au delà du cercle de lumière projetée par l’incendie expirant, des pas nombreux frappaient la terre.
Les sabots des chevaux résonnaient sur le sol.
Qu’est-ce donc ?
Tous regardent, jetés en quelque sorte hors d’eux-mêmes par l’incident nouveau. Une minute, tout au bruit inexpliqué, ils cessent de penser au drame qui vient de se jouer.