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Elle s’était étonnée des réflexions bizarres, de l’accentuation de mistress Robinson. Certes, elle ne soupçonnait pas Midoulet de se cacher sous ce travestissement ; toutefois la personnalité de l’Anglaise lui apparaissait douteuse, et en Parisienne prompte à l’action, elle se proposait de se renseigner.

— Inutile d’attendre, reprit-elle. Elles savent que le temps presse ; allons nous assurer qu’elles ne sont plus chez elles.

Un balcon de bois desservait toutes les croisées de l’étage. Emmie y prit pied, tira doucement la croisée derrière elle et se mit en marche.

La matinée était délicieuse. Le soleil, commençant à peine son ascension vers le zénith, ne dardait point les flèches de feu brûlantes du milieu du jour. Il répandait une douce tiédeur.

La fillette s’avança joyeusement dans la lumière.

— Bon cela, après une nuit blanche. Il serait agréable de pousser un siège sur le balcon et de somnoler là, dans cette suave température. Ne pensons plus à pareil sybaritisme, je suis sur la piste de guerre.

Sa réflexion la fit rire et montrer ses dents blanches, mais elle ne s’arrêta pas. Elle allait le long du balcon, désignant les hôtes des chambres dont elle franchissait les fenêtres dans sa marche.

— Marcel, le général, l’Anglaise…

Elle stoppa vivement. La dernière ouverture était entre-baillée, et un bruit de voix prudemment abaissées arrivait jusqu’à la jeune curieuse.

— Elles sont encore là, murmura-t-elle avec un geste de mauvaise humeur.

Mais presque aussitôt sa face exprima la stupéfaction.

— Non, ce n’est pas l’Anglaise. Qui donc a pénétré dans sa chambre ? Ah çà ! y aurait-il un autre indiscret plus rapide que moi ?

Des mots lui parvenaient.

— Vous avez compris, ami Pierre ?

— Parfaitement, monsieur.

— Vous vous tiendrez dans cette chambre jusqu’à mon retour. La jeune Emmie n’a pas accompagné son cousin, et il m’a semblé, hier soir, qu’elle me considérait avec une vague défiance.