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slam en slam, de rue en rue, de loueur en loueur. Partout, ou bien ils furent aussi mal reçus que chez Karref, ou bien, si leur interlocuteur consentit à ne point se fâcher, ils échangèrent avec celui-ci des dialogues dont voici un exemple :

— Des chevaux ? Pour quoi faire ?

— Mais pour les monter, vous le pensez, j’imagine.

— Naturellement, mais où doivent-ils vous mener ?

— Chez Mohamed, le Druse.

— Chez Mohamed !

— À sa demeure d’entre-Libans.

— Des Européens chez les Druses !… Vous êtes ivres, ou mieux encore, vous êtes pris de vertige !

— Ni l’un, ni l’autre. À preuve que nous paierons le prix qu’il vous conviendra de fixer.

— Bonsoir !… Chez les Druses ! Vous n’en reviendriez pas ; mes chevaux non plus !

— Vendez-les-nous si vous craignez cela.

— Vous les vendre ? cela non plus n’est pas, possible ; car je ne saurais les remplacer avant plusieurs mois, et je ne veux pas que mon commerce périclite.

Clac ! la lucarne ouverte se refermait, et les voyageurs se retrouvaient devant une muraille sombre.

De guerre lasse, il fallut retourner à l’hôtel sans avoir réussi.

Quelque hâte qu’ils eussent de partir, tous avaient compris qu’aucun Oriental ne consentirait, d’abord à se déranger en pleine nuit, et ensuite à confier ses montures à des personnages déclarant se rendre en territoire druse.

À l’hôtel, tous se réunirent dans la chambre du général, avec le besoin vague de tenir conseil.

Nul ne se sentait le courage de se coucher, de rester seul avec sa pensée. Ils décidèrent avec tristesse d’attendre ensemble le jour qui, sans doute, rendrait les loueurs moins récalcitrants.

Ce répit leur permit de réfléchir, et bientôt Tibérade, d’un accent abaissé :

— Si nous souhaitons que l’on nous confie des montures, il nous faut avant toute chose cacher le but réel de notre expédition ! Vous avez vu l’effet du seul nom des Druses sur les négociants.

Uko, Emmie, leurs compagnons accidentels, ainsi se désignaient mistress Robinson et Véronique, re-