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avant le jour. Il te sera donc facile d’enfermer ta prisonnière, sans que personne ait la pensée que j’offre à l’holocauste une Européenne au lieu et place de ma chère fiancée.

Un sourire bizarre distendit les lèvres d’Ahmed accompagnant sa réponse :

— Il sera fait ainsi que tu l’as décidé.

— Merci. Souviens-toi qu’Yousouf est ton frère. Si tu as besoin de lui, appelle-le ; il accourra, fût-il à l’autre extrémité du monde.

— Je le sais ; mais je n’aurai pas, je pense, le besoin cruel de t’arracher à ton bonheur pour me défendre. Éloigne-toi sans regarder en arrière ; ne songe qu’à celle que nous aurons sauvée… Reçois le souhait de ton frère… Sois heureux… Ta bien-aimée est embarquée à présent, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Eh bien, cours auprès d’elle. Au jour, soyez bien loin en mer. Qu’elle ne puisse apercevoir le reflet des flammes qui auraient pu la consumer. Peut-être verrait-elle, dans l’incendie, un mauvais présage, et sa pensée s’obscurcirait, et ses doux yeux se mouilleraient de larmes.

Les deux hommes se serrèrent la main. Déjà les serviteurs, par qui Sika avait été entraînée hors du cirque, avaient déposé la prisonnière au fond de l’automobile.

Ahmed sauta auprès d’elle, tandis qu’un wattman indigène, immobile au volant de direction, se tenait prêt à partir au premier signe.

— Au revoir, Yousouf, reprit le Persan Ahmed ; encore une fois, sois heureux !

— Et que les félicités t’accompagnent, mon frère ! riposta le Druse.

Sur les lèvres d’Ahmed passa un sourire mystérieux.

— J’y ferai mon possible, ami. Compte sur moi.

— Prends garde surtout que la captive ne s’échappe. Le Conseil de la Montagne serait féroce, s’il avait vent de la supercherie.

— Pour cela, sois tranquille. Hors de la ville, je débarrasserai la demoiselle de son voile… Qu’elle respire, crie, rugisse dans la campagne déserte, cela n’aura aucune importance. Elle ne fuira pas une voi-