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Et, d’un ton de camaraderie, plus impressionnant que les pires menaces :

— Mistress Lydia avait grand sommeil, tout à l’heure…

— Oui, après ?

— Savez-vous pourquoi cette aimable femme sentait ses yeux se voiler ; pourquoi, à cette heure, elle dort si profondément que nulle puissance humaine ne lui pourrait rendre la conscience des choses ?

Incapable de prononcer une parole, Pierre secoua négativement la tête :

— Parce que je l’ai voulu ainsi, continua Célestin d’un air triomphant. Or, écoutez-moi bien… Le soporifique auquel elle a cédé est un produit gazeux que j’ai introduit dans sa cabine au moyen de ce conduit.

Il écartait un manteau de Pierre, accroché à la cloison et sous l’étoffe, il désignait une sorte d’entonnoir métallique hermétiquement clos, d’où sortait un tube de verre enfoncé dans la cloison.

— Le gaz en question amène la mort dans les douze heures qui suivent son usage. Donc, à l’arrivée en rade de Beyrouth, votre charmante amie sera défunte, si je ne lui administre pas l’antidote de la substance toxique.

Mais comme Pierre, s’appuyait au bordage, ses jambes flageolant sous lui, Midoulet reprit vivement :

— Non, non… pas de nervosité. Elle ne court aucun danger, si vous exécutez mes ordres, sans arrière-pensée. Donnez-moi votre parole d’honneur de m’obéir entièrement, et je vous remets l’antidote.

Il acheva, d’un ton détaché :

— Au surplus, l’Europe n’y perdra rien. Que ce soit un Français ou une Anglaise qui déjoue les desseins japonais. Le résultat mondial est le même. Seulement, j’ai un désir particulier d’assurer la victoire au service français. Eh bien ! Jurez-vous ?

Un lourd silence règne dans la cabine. Complètement démoralisé par la révélation du danger couru par la jeune femme, Pierre se passait machinalement la main sur le front, où perlaient des gouttelettes de sueur froide.