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préoccupait de tous et ne mangeait pas elle-même.

Au surplus, les assistants n’eurent pas le loisir de manifester leur surprise de cette réserve, car brusquement Midoulet se renversa sur son siège, lâchant la tasse qu’il tenait à la main. Tibérade voulut s’approcher de lui, s’informer de la cause de ce geste maladroit. Mais l’effort commencé ne s’acheva pas. À son tour, il s’étendit mollement sur le canapé courant le long de la paroi de la cabine.

— Ah çà ! ils dorment, prononça le général d’une voix pâteuse en essayant un mouvement vers eux.

Mais ses yeux se fermèrent sans qu’il pût achever le geste commencé.

Et, chose étrange, Emmie, sans manifester le moindre étonnement, vint à eux, les secoua vigoureusement puis d’un ton joyeux :

— À la bonne heure, s’écria-t-elle, après avoir, adroitement relevé les tasses des dormeurs. Maintenant, nous sommes libres de nos mouvements ! Sika, au moteur pendant que je m’habille. Hier, je vous ai fait montrer par Orregui les manettes à mouvoir en cas de besoin.

— Oui, cependant, ma chère, vous m’entraînez à des exploits inattendus… Il est vrai qu’après vous avoir laissé verser de l’opium soporifique dans la boisson de mon père, de votre cousin…

— De tout le monde, soyez juste… Au surplus, je l’ai acheté à La Canée uniquement pour vous assurer, à Marcel et à vous, le plaisir de poursuivre le voyage ensemble. Cela vous déplairait-il maintenant ?

La vive rougeur qui embrasa son visage fut la seule réponse de la jolie Sika.

Emmie eut un rire malicieux :

— Compris ! Cela ne vous déplaît pas. En ce cas, au moteur : je vous nomme mécanicienne en chef.

Tout en parlant, la rusée petite créature poussait sa compagne au poste de manœuvre, auprès duquel Orregui, terrassé comme les passagers par l’invincible sommeil, gisait sur le plancher. De l’index, elle désigna le moussa Batistillo également endormi à la barre.