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— Mais si, vous le pouvez.

— Moi ? s’exclama Célestin stupéfait, je puis raccourcir le délai en question ?

— Naturellement Prenez-nous tous dans votre canot et quittons La Canée dès ce soir.

Une seconde, Midoulet demeura sans voix. L’idée de la fillette le pétrifiait littéralement.

— Votre surveillance en sera facilitée, reprit Emmie d’un ton insinuant, mon cousin vous aura de l’obligation… Et le général lui-même sera satisfait, car la perspective de séjourner dans cette cité de La Canée ne le réjouit aucunement.

Midoulet se passa la main sur le front et d’un accent soupçonneux :

— Ils veulent me jouer un tour…

Mais Emmie l’arrêta net :

— Mon cousin a promis. Dès qu’il aura le pantalon entre les mains il le remettra au général. Il pense que, vous présent, votre tâche sera plus aisée…

— Vous me certifiez son entière bonne foi ?

Du coup, la fillette éclata de rire :

— Ne dites pas de bêtises ; voyons, monsieur Midoulet vous qui êtes intelligent. Si je voulais vous tromper, mon certificat ne prouverait rien.

— Je reconnais que vous avez raison.

— À la bonne heure !

— Alors, pourquoi me prêterais-je à la combinaison, puisque je ne saurais être assuré des sentiments de votre cousin ?

— Oh ! monsieur Midoulet, fit-elle, le menaçant du doigt ; dites-vous donc que Marcel a fait son service militaire, qu’il est bon Français, incapable de pactiser avec ceux que vous lui avez désignés comme ennemis possibles de son pays.

Ma foi, l’argument porta, et l’agent se laissa persuader.

Il voulut en personne offrir le passage à ses adversaires d’antan ; si bien que, le soir même, tous s’embarquaient sur le canot no 2, chacun se félicitant en son for intérieur de la tournure des événements, chacun qualifiant de sommet d’intelligence la mutine Emmie, qui n’en était pas plus fière pour cela.