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— Alors embarquons, prononça Emmie, qui, en petite Parisienne impatiente, s’énervait visiblement du bavardage de l’Italien.

Mais celui-ci retint encore le général.

— Dans la cabine, vous trouverez couvertures, oreillers, et cætera. J’ai voulu assurer toute satisfaction à Votre Excellence, tout le confort moderne, ainsi que disent les milords anglais.

Pourtant Uko réussit à se débarrasser du personnage ; Sika sauta légèrement dans le canot, suivie par Emmie, Marcel et enfin par son père.

— En avant, commanda, dès que le mousse Picciolo eut repris sa place au gouvernail, le général qui craignait évidemment quelque supplément de conversation du disert constructeur d’embarcations.

Et tandis que la chaloupe se mettait en marche, avec le ronronnement rythmé du moteur, ledit constructeur, sans rancune pour la façon un peu cavalière dont ses clients se séparaient de lui, leur criait en agitant un superbe mouchoir, grand comme une voile de misaine et historié d’écussons, de vues du pays :

— Bon voyage ! Traversée dolcissima à vos seigneuries. À la faveur de vous revoir à Brindisi et de faire de nouvelles affaires avec vous.

Heureusement, l’hélice tourne avec une vitesse uniformément accélérée ; le bouillonnement de l’eau à l’arrière augmente. Le petit navire file entre les bateaux amarrés dans le bassin, rase les tartanes aux voiles triangulaires, se glisse entre les feux marquant l’entrée du port.

On est en mer ; on pousse au large, laissant en arrière de la côte, dont les découpures s’atténuent en un brouillard imprécis teinté de mauve.

Les jeunes filles, Emmie surtout qui voyageait, on le sait, pour la première fois, regardaient, intéressées par les barques de pêche que l’on croisait à chaque instant.

Soudain, la fillette désigna un point lointain à peine perceptible, et s’écria :

— Qu’est-ce que cela ?

D’un mouvement précipité, elle porta à ses yeux la