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Sans discuter davantage, le Japonais approuva de la tête.

— Qu’il soit fait selon votre volonté.

D’un pas lent, il se dirigea vers la porte et sortit, laissant les deux cousins seuls, en face l’un de l’autre.

Alors Marcel se jeta sur une chaise et se cachant le visage dans ses mains, il gémit :

— Adieu le rêve !

Mais deux bras entourèrent son cou, la joue fraîche de sa petite cousine s’appuya contre sa joue, et la gamine prononça avec toute l’autorité d’un pédagogue :

— Il ne faut jamais dire adieu au rêve.

— Pourtant, il me semble…

— Il te semble mal, voilà tout.

Son assurance éveilla l’attention de son interlocuteur.

— Ah çà ! petite, qu’espères-tu donc ?

Il y eut sur le visage de la fillette comme une indécision rapide, mais ce fut si fugitif qu’aucun observateur n’eût osé affirmer la réalité de l’impression.

— J’espère, j’espère, fit-elle… Est-ce que je sais ? Rien de précis. Seulement, quand une jeune Sika vient tout exprès du Japon à Paris, pour ligoter de ses cheveux blonds le cœur d’un honnête garçon comme toi… Eh bien… là… Eh bien, il n’est pas possible que cela ne finisse pas par un mariage.

— Tais-toi, tais-toi. C’est de la folie. La riche héritière, la fille d’un ambassadeur, épouser le pauvre hère que je suis ; c’est fou !

— Ce que tu racontes est fou, la fortune, l’ambassadeur, qu’est-ce que cela fait ?

Il secoua tristement la tête :

— Ah ! petite souris, comme on voit que tu as seulement quatorze ans.

— Ah ! ça se voit tant que ça. Eh bien, moi, je vois que tu raisonnes comme un vieux bonze ; vieux, vieux, comme les carpes de Fontainebleau.

La boutade le fit sourire.

— Si vieux que les carpes ?

— Oui, monsieur mon cousin. Car si vous étiez