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étendue sur lui, innocent ; l’impossibilité de se disculper sans s’offrir à la vengeance d’inconnus dénués de toute répugnance du crime ; tout cela se heurtait en tourbillon dans son crâne.

Il lui semblait que son cerveau s’agitait en palpitations douloureuses, qu’il se trouvait à l’étroit dans son enveloppe osseuse ; que sa tête allait éclater, telle une chaudière brisée, par une pression trop élevée.

Évidemment oui, pour l’heure, il n’avait rien à redouter.

Mais la situation pouvait-elle se prolonger ?

N’y avait-il pas à craindre, une maladresse, un mot malheureux, un accident ? Ces choses pourraient être évitées à la rigueur, à force de surveillance, d’attention. Mais on dort parfois, et le sommeil a des bavardages inconscients.

Est-ce qu’il allait vivre désormais dans la terreur d’un aveu échappé au cauchemar ?

Son désarroi moral se transmettait à sa personne physique. En dépit de la douce température entretenue par les thermosiphons, à l’intérieur du Mirific-Hôtel, Pierre grelottait.

Le temps s’écoulait, sans qu’il parvînt à voir clair en lui.

Toutes ses pensées, au contraire, concouraient à augmenter son abattement.

Il revoyait sa jeunesse, auprès d’un tuteur froid, sévère, dans la maison duquel il se sentait étranger.

Ses études l’avaient certes intéressé, mais sans diminuer sa solitude. Il n’avait jamais eu un camarade. Oh ! il n’amusait pas ses condisciples, la faute lui revenait tout entière.

Pourquoi fuyait-il les jeux qui passionnaient les autres ?

Pourquoi manifestait-il une horreur instinctive pour tous les plaisirs des jeunes gens de son âge ?

Pourquoi cédait-il à une timidité excessive, rougissant sans raison, méritant de la part de ses compagnons d’études le sobriquet ironique de : « Mademoiselle Pierre ».

Il se rappelait, il se rappelait des détails.