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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

époque où la fréquentation de l’homme ne les avait pas encore civilisés !

— Mais ce sont des bêtes féroces, crie-t-on de toutes parts.

Les petits haussent les épaules et avec un accent inimitable :

— Féroces vous-mêmes… Quand ils se sont sauvés de leur cage, est-ce qu’ils vous ont mordu ?… Non, n’est-ce pas ?… Tandis que vous, vous avez tiré sur eux, et vous avez blessé Zizi… Zizi qui serait morte, si nous ne l’avions pas trouvée dans la montagne.

Mais von Lap s’impatiente. Cette résistance de deux gamins lui semble une atteinte insupportable au prestige de son autorité.

— Écartez-vous, que l’on détruise ces vilaines bêtes, ordonne-t-il durement.

Les petits n’ont cure de son accent de colère :

— Non !

Et sur ce monosyllabe prononcé avec fermeté, ils se campent bravement devant le peloton en armes, couvrant les panthères de leur corps.

Peut-être Sourire a-t-elle un peu peur, mais elle a glissé sa main dans celle de son compagnon, et elle redresse sa petite taille, cambre son buste maigre, rejette sa tête en arrière en une attitude de défi.

— Retirez-vous, répète le gouverneur écumant de rage.

— Non, réitèrent les petits.

— Une fois !… deux fois !… trois fois !

— Non !

— Alors, tant pis pour vous.

Et d’une voix tonnante, le fonctionnaire rugit :

— En Joue !… Mais de la foule s’élève une clameur de réprobation… Des Européens s’interposent. Après tout, ces pauvres petits défendent leurs amies… Les panthères n’ont causé aucun dommage depuis leur évasion… On ne peut pourtant pas assassiner ces malheureux !

— Non… mais on peut les prendre et les corriger…

C’est von Lap qui, les yeux hors de la tête, lance cette motion.

On cherche à l’amener à une plus juste appréciation des choses. Les panthères paraissent attachées à leurs petits camarades ; elles les défendront et alors… que d’accidents sont à redouter !