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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

vernissés, décorés avec cet art si particulier de la patrie des chrysanthèmes.

Les légères murailles figurent des paysages, des soleils écarlates, des arbres taillés étrangement, des eaux d’azur, des collines violacées… Elles semblent ajourées, traversées par l’air. Entre les colonnettes de bois, il semble que s’ouvre une scène théâtrale, un décor de féerie.

Sur les toitures recourbées, comme tuyautées, pointent des poinçons de métal, embrochant le disque rouge figuré au centre du drapeau national, ou le dragon rose, emblématique des vertus de la famille mikadonale, souveraine des destinées du Japon.

C’est là l’une des retraites affectionnées de l’impératrice.

Elle s’y vient réfugier toutes les fois que son auguste époux, le Mikado, le lui permet. Or, elle a obtenu cette licence la veille au soir. Son train spécial l’a aussitôt emportée avec ses deux servantes favorites qui, selon l’usage, ont des noms de fruits : Cerise et Fraise ; les noms de fleurs étant réservés aux personnes non soumises à la domesticité.

Seulement la souveraine, qui aime beaucoup l’Angleterre, dont l’alliance a permis à l’Empire nippon de vaincre en combat singulier le colosse russe, la souveraine affecte d’employer des mots britanniques, tout comme les snobs de Paris.

Elle ne dit pas : Cerise, Fraise, mais bien : Cherry, Strawberry.

Elle est dans sa chambre aux murs tendus de soie fleurie. Déjà on a enlevé la natte sur laquelle elle a reposé, la couverture, le traversin de bois odorant.

Dans la salle claire, sans meubles, on remarque seulement de grands vases de bambou, d’où émergent, une gamme exquise de couleurs, des chrysanthèmes, des azalées, des orchidées au dessin capricieux, puis une grande glace, de fabrication européenne, dont le cadre bleu pâle, semé de guirlandes et d’amours argentés, se découpe sur la muraille.

L’Impératrice est debout devant le miroir, luxe inusité dans les intérieurs japonais.

Elle considère sa coiffure que dominent les longues épingles d’or, au sommet desquelles chatoient des opales couleur de lune.

Elle sourit à sa tunique, kimono, de soie brodée,