pont de son petit pied. Puis elle pivota sur elle-même, parcourant des yeux tout le navire. Mais le pont resta désert. Bien plus, dans cette inspection rapide, Sara recueillit un nouveau motif de surprise.
— Personne… personne même sur la passerelle.
Le duc regarda. La roue, la boussole n’étaient surveillées par aucun marin.
Ah ça ! ce navire sans équipage, voguant à toute vitesse sur l’Océan désert, devenait inquiétant.
— Bon, plaisanta Lucien, tu ne crois pas être sur le vaisseau hollandais… ce navire légendaire qui naviguait avec un équipage d’ombres ?
Elle ne l’écoutait plus. D’une voix assourdie par un soudain effroi :
— La roue a tourné toute seule.
— La roue… ?
Le duc n’en put dire davantage ; il chancela, le navire ayant « roulé », ainsi qu’il arrive après un coup de barre un peu brusque.
Il reprit son équilibre, puis balbutia :
— Pas de doute, le gouvernail a rectifié la direction.
— Sans personne à la roue… sans officier sur la passerelle, appuya la jeune femme.
Tous deux baissèrent les yeux. Ils avaient peur de deviner dans leurs prunelles la pensée folle, étrange, qui grandissait en eux.
— Cela doit pourtant avoir une explication toute naturelle, murmura enfin la Parisienne.
— Sans doute, consentit Lucien, mais laquelle ?
La pétulante petite duchesse répondit par une exclamation assourdie :
— Regarde donc les cheminées…
— Qu’ont-elles, les cheminées ?
Et Lucien examinait curieusement les énormes cylindres, revêtus d’une couche de peinture ocrée, qui se dressaient au-dessus du pont.
— Ce qu’elles ont ? reprit son interlocutrice… tu devrais demander ce qu’elles n’ont pas. C’est de la fumée qu’elles n’ont pas.
Le duc ouvrit des yeux stupéfaits… Soudain, il comprit… À l’ordinaire, quand un steamer est en pleine marche, ses cheminées vomissent des tourbillons de fumée noire.
Ici, rien de semblable ; pas la moindre fumerolle, pas la plus légère volute de vapeur !