Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

diane du bâtiment. Aussi leur suffit-il de faire quelques pas pour se trouver au pied de l’escalier à rampe de cuivre accédant au pont.

La côte avait disparu. L’horizon de la mer dessinait son cercle parfait autour du navire qui filait à grande vitesse, ainsi qu’en faisaient foi les vagues courant au long de ses flancs. Un instant ils demeurèrent immobiles, clignant les paupières, un peu éblouis par le passage soudain de la pénombre des coursives à la clarté crue du plein air.

Sur leurs têtes se développait la coupole du ciel, revêtue de cette teinte particulière à la mer du Nord, un bleu si pâle qu’il donne l’impression de gris perle. Autour du vaisseau, l’eau verte, moirée de stries blanchâtres, piquées de paillettes d’un or incertain par les rayons du soleil, s’étendait à perte de vue.

Il y a dans ce premier regard jeté aux choses quand on met le pied sur le pont d’un navire une émotion d’infini à laquelle personne n’échappe. Mais Sara se ressaisit vite. Elle exerça une légère pression sur le bras de son mari et d’une voix légère comme un souffle :

— Promenons-nous… un mot en passant aux matelots… c’est l’amorce de conversations plus… sérieuses.

Le duc se laissa conduire.

Tous deux, d’un pas flâneur, longèrent les bastingages de tribord, se dirigeant vers l’avant. Mais en y arrivant, ils se regardèrent avec une vague surprise.

Sur leur route ne s’était rencontré aucun être vivant.

Simple hasard sans doute. Une manœuvre retenait probablement la « bordée de quart » en un autre endroit. Sur cette réflexion non énoncée, les promeneurs reprirent leur marche, revenant vers la poupe par bâbord. Mais pas plus au retour qu’à l’aller, ils n’aperçurent une silhouette humaine.

— Voilà qui est curieux !

Et lâchant brusquement le bras de Lucien, la petite duchesse se planta devant lui.

— Voyons, tu ne trouves pas… ?

— Mais si… seulement je ne comprends pas ?…

— Moi non plus… La différence entre nous, c’est que moi, quand je ne comprends pas, je suis furieuse.

Et comme il riait de la voir ainsi, elle frappa le