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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Mais rien ne trahissait à l’extérieur l’angoisse douloureuse du jeune homme.

Pourtant Dodekhan insistait :

— Je ne puis m’engager sans savoir…

— Vous êtes en contradiction avec vous-même.

— C’est possible, mais l’honneur est chatouilleux ou non.

— Ici, il a tort.

— Il vous plaît à dire.

— Mais pas du tout, cher ami. J’affirme que vous vous tairez, mais je ne le prouve point. Il se peut que j’aie une idée heureuse ; il se peut que je n’en aie point, que je veuille tout uniment vous faciliter une conclusion dont se révolte votre fierté, afin de vous aider à arracher au trépas horrible, qui les attend, deux innocentes…

Mais, énergique, sombre, Mona coupa la phrase :

— Je ne veux être sauvée qu’avec lui !

Le duc ne cessa point de sourire :

— Pour arriver au salut, il faut en adopter les moyens… Et comme on l’exprimait plaisamment dans je ne sais quelle bouffonnerie dramatique : il vaut mieux être sauvé en deux voyages que périr en un seul.

— Moi, déclara Sara, je ne puis affirmer qu’une chose… Tout moyen dont Lucien consent à se servir ne saurait être que digne, louable et noble… Je n’ai pas besoin d’en savoir davantage.

Les paupières du duc palpitèrent. Quelle douceur et quelle souffrance dans cette foi si simplement exprimée !

Mais il se raidit contre l’émotion, et, pour détourner l’attention :

— Eh bien ! Dodekhan, à quoi vous résolvez-vous ?

L’interpellé baissa la tête. Une expression d’immense désespoir couvrit ses traits.

— Je ne puis engager l’Œuvre dans ces conditions.

Ses mains se tendirent suppliantes vers Mona Labianov :

— Pardonnez-moi, balbutia-t-il, pardonnez-moi… Je vous condamne ainsi.

Elle étreignit ses mains frémissantes :

— Toujours ensemble !

Soudain, la porte s’ouvrit. L’homme qui, tout à l’heure, avait guidé Lucien à travers les jardins, se montra sur le seuil.