Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Le Maître est rempli de bienveillance à votre égard… Vous serez son lieutenant, s’il vous plaît…

— Moi, obéir à celui qui m’a menti, trahi, volé !

— Vous ferez ainsi qu’il vous conviendra, le Maître d’ailleurs ne doute pas de votre bonne volonté, il sait comment vous prendre.

Le cœur du jeune homme tressauta sous le choc.

Mona ! captive comme lui… C’était par elle que Log comptait venir à bout de sa volonté. Tout à l’écroulement de l’œuvre rêvée par son père, par lui-même, il l’avait oubliée.

Quand il releva les paupières, il était seul dans la salle, San avait disparu. Des coussins se voyaient amoncelés dans un angle. Dodekhan s’y laissa tomber.

Il eut un amer sourire à la ronde. Pas un meuble, pas un siège n’ornaient sa prison capitonnée. Des coussins, voilà tout. Son ennemi avait pris toutes les précautions pour l’empêcher d’attenter à ses jours.

Gladiateur vaincu, il lui manquait la suprême ressource de fuir la défaite dans la mort.

Un bruit le tira de ses réflexions. Deux Hindous se tenaient en face de lui, portant une petite table toute dressée.

Ils la déposèrent auprès de la pile de coussins, et prêts à se plier aux ordres du prisonnier, ils dirent ensemble, du ton obséquieux et soumis particulier aux serviteurs de la grande péninsule gangétique :

— Mangez, Sahib !

Le premier mouvement du Turkmène fut de refuser. Mais il se ravisa. San lui avait annoncé sa prochaine comparution devant Log. Un duel de volontés s’engagerait entre les deux hommes, dont l’un possédait déjà tant d’avantages sur l’autre.

Il importait d’être fort, pour supporter dignement la lutte. Dodekhan se contraignit donc à faire honneur au repas.

La chère, du reste, lui parut exquise. Il n’entrait pas dans les desseins de son ennemi de le condamner aux ennuis d’une table médiocre.

Et quand le jeune homme eut terminé son repas. San reparut.

— Voulez-vous voir le Maître ? demanda-t-il.

— Oui, certes, répliqua Dodekhan, sons hésiter.

— En ce cas, veuillez vous laisser attacher les mains.