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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Un bruissement se produisit. Un panneau du mur tourna sur un axe invisible, amenant à l’intérieur une planchette affleurant le sol, et sur cette planchette, debout, immobile, tel un géant de pierre, San se tenait ricanant.

Le Turkmène n’attendait pas cette apparition. Il demeura muet.

Mais l’athlétique serviteur de Log grommela :

— Il vous suffit de toucher un point quelconque du mur ou du plancher pour que l’on réponde à votre appel… Que voulez-vous ?

— Ah ! ma prison est donc machinée à ce point ?

— Depuis notre arrivée au Tonkin, le Maître avait décidé que vous l’habiteriez. Il l’a fait disposer en conséquence.

Dodekhan avait repris son empire sur lui-même. Il haussa dédaigneusement les épaules.

— Trêve de charlatanisme.

— Il n’y en a point. Le Maître est si fort qu’il n’a pas besoin de se vanter. En voulez-vous la preuve ? C’est lui qui vous a empêché de prendre passage à Haïphong sur l’un des paquebots à destination de l’Europe.

— Cela, je l’avais compris.

— Bien… mais il y a une autre chose que, malgré votre finesse, vous n’avez pas devinée ; le Maître avait envoyé le Maharatsu en rade de Hon-Dau, afin que vous vous en empariez…

— J’en ai eu l’impression plus tard.

— Plus tard, trop tard, fit le géant avec un rire insolent.

Puis avec une admiration cynique et naïve de l’esprit de ruse nul avait ourdi la trame :

— À Haïphong, à Hon-Dau, le pilote, le boy de l’hôtel, tous obéissaient au Maître. On vous a poussé vers le Maharatsu, car il fallait empêcher à tout prix que vous quittiez le sol de l’Asie sur un navire des Européens, que Bouddha confonde !

Comme irrité par le calme de son interlocuteur, San poursuivit :

— une fois en mer, vous vous croyiez sauvé… Mais le Maître, à deux mille lieues de vous, veillait sur tous vos mouvements.

— C’est lui qui m’a dénoncé comme pirate à l’administration anglaise ?

— Oui.