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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

à lui, parlant vite, en hâte, d’une voix haletante…

— Non… ils ont des torches… ils ont pu mettre le feu… Nous bien cachés dans l’arbre… peut-être ne nous verront-ils pas… Mais je vous en supplie, pas les serpents, pas les serpents !… Non, non, je ne veux pas que Sara…

La clairière s’illumina de clartés fauves. Le sol semblait mouvant, agité d’incessants remous, donnant l’impression d’une croûte de lave en ébullition.

Soudain un buisson s’embrasa d’un coup, tel une torche géante. Les jeunes femmes eurent un cri étranglé :

Là-bas ! Eux !

Des silhouettes humaines se montraient à la limite de la clairière.

Oh ! elles n’y demeurèrent pas longtemps.

Des cris de terreur vibrèrent dans la nuit. Les ombres se rejetèrent sous les arbres, sauf deux, qui, enveloppées dans un véritable tourbillon de najas, roulèrent sur le sol, où elles se tordirent en spasmes épouvantables, secouant leurs venimeux ennemis, ainsi qu’une chevelure de Furie.

— On ! c’est horrible ! murmurèrent les fugitifs, bouleversés par le terrible drame.

Mais ils se turent brusquement. Un sifflet strident scandait une sorte de mélopée dans la nuit. Et alors le spectacle devint fantastique.

Dans le grouillement des serpents, un frisson parut passer… Comme une armée de piques, les têtes des ophidiens se dressèrent toutes droites vers le ciel… Toutes se tournaient vers l’endroit d’où partaient les sons, et, dans un insensible glissement, les reptiles se groupèrent en une épaisse colonne, coulant, fleuve vivant et venimeux, vers un point de la clairière.

La mélopée continuait, semblant attirer les najas.

Les premiers rangs s’engouffrèrent sous les arbres… les autres suivirent… Bientôt la clairière fut vide de ses dangereux hôtes.

Et le feu gagnant toujours, élargissant sans cesse son cercle ardent, n’éclairait plus que des herbes, des broussailles, des lianes rampantes, se tordant sous ses langues de flammes.

Un soupir de soulagement s’échappa des lèvres des fugitifs ; mais ce répit devait être court.

un hululement de rapace nocturne gémit dans l’espace, et soudain, de l’épaisseur des arbres, des Hin-