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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Le galop se rapproche toujours. À présent le bruit des sabots des arrivants sonnait nettement sur la sente rocailleuse.

— C’est le moment, prononça Mona, d’une voix légère comme un souffle.

On eût cru que ces paroles produisaient sur Dodekhan l’effet d’un coup de fouet. Il cria :

— Non… Luttons jusqu’au bout.

Il écartait les branches, les tiges pressées, il entraînait Mona dans le dédale des gommiers, aréquiers, fougères arborescentes, mangoustans.

Lucien, Sara, se rattachant à un vague espoir, suivirent le sentier frayé par lui, sentier fugitif qui se refermait après leur passage.

Ils ne voyaient rien à deux pas. Des feuillages frappaient leurs visages ; des scarabées, troublés dans leur retraite, s’envolaient lourdement, enveloppant le groupe des spires de leurs bourdonnements.

Puis, sous bois, c’étaient des glissements, des fuites prudentes et sournoises de bêtes que l’on n’apercevait pas. On allait toujours.

Nul ne songeait aux périls masqués par l’ombre. Des fauves, non… il est exceptionnel d’en rencontrer si près de Calcutta, mais des serpents… Ces serpents qui foisonnent dans l’Inde, que l’on écrase sur les routes.

Le galop des poursuivants avait brusquement cessé. Des voix rauques résonnaient lugubrement

— Les chevaux !

— L’un est dans la trappe !

— Ils ne sauraient être bien éloignés ; à pied, l’on ne va pas vite !

S’ils avaient pu conserver un doute, les fugitifs l’auraient perdu à ce moment. Ils étaient bien visés par les poursuivants.

— Par ici ! Ils ont pénétré sous le couvert !

Leur trace était découverte. Leurs ennemis s’élançaient dans l’ombre à leur poursuite. Une chasse à l’homme commençait.

Et Dodekhan redoublait d’efforts, avançant à tâtons, tirant Mona après lui, contournant les troncs d’arbre, brisant les lianes, les broussailles, qui semblaient se cramponner à ses jambes, à ses pieds, de même que si, complices inconscientes de l’ennemi, les végétations avaient voulu ralentir la marche des victimes.