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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Ils contournèrent les hautes murailles du parc de la prison.

Au delà s’étendait une palmeraie. C’était là que les fugitifs avaient laissé les chevaux préparés pour eux par le métis.

Dodekhan s’était simplement muni d’un revolver enlevé aux fontes.

Mais ici une première et désagréable surprise les attendait.

Les chevaux n’étaient plus à l’endroit où ils les avaient trouvés.

Ils reconnaissaient bien la place où les quadrupèdes étaient entravés… Le sol fouillé par les sabots dénonçait bien la station prolongée des animaux, mais ceux-ci ne se trouvaient plus dans la palmeraie.

Le Turkmène trahit sa déconvenue par un sourd gémissement :

— Oh ! les misérables ! les misérables ! Ils ont tout prévu… Le filet est tendu autour de nous… nous y tomberons… Mona, Mona, pardonnez-moi de vous avoir entraînée dans cette sinistre aventure.

— Vous pardonner ! fit-elle tendrement ; vous savez ce que je vous ai dit déjà, Log nous a unis pour toujours.

Elle parlait avec cette foi tranquille des Slaves. Tout le mysticisme de sa race était en elle, ce mysticisme où se fondent les rêves d’Orient et d’Occident.

Et au même moment, comme pour opposer l’esprit parisien à l’âme russe, Sara exprimait sa déconvenue en ces termes héroï-comiques :

— Cela continue… Toujours les agréments de notre voyage de noces.

L’incohérence même de la réflexion rappela Dodekhan au calme.

— Vous avez raison, Mona, luttons jusqu’aux extrêmes limites de l’espérance…

Il se tut brusquement.

— Chut !… voyez… là en avant de nous.

À quelques pas, deux points lumineux, phosphorescents, se déplaçaient lentement.

— Un tigre, murmura Lucien.

Les jeunes femmes se serrèrent l’une contre l’autre, prises d’épouvante.

Mais le Turkmène murmurait :