la seconde par Singapoor, le navire était entré dans le vaste triangle du golfe de Bengale.
Coupant par le milieu le chapelet de quinze cents kilomètres formé par les îles Andaman, il se dirigeait vers Ceylan, l’île du rêve, des végétations capiteuses et luxuriantes, des perles fines, des coraux bleus, où toutes les beautés, naturelles et humaines, semblent s’être donné rendez-vous comme en un temple du Beau.
Or, une heure auparavant, tous causaient de l’île admirable, avec le regret de n’y point faire escale, Dodekhan ayant décidé que le Maharatsu ne s’arrêterait dans aucun port asiatique.
Sage précaution, tous l’avaient reconnu. Ils avaient assez souffert de la puissance de Log, pour se défier de toute la partie de la terre où elle s’exerçait.
Soudain, sur l’écran du périscope, une fumée lointaine avait signalé le passage d’un steamer.
Lucien et ses amis avaient suivi la trace du navire qui, pour un instant, leur apportait cette satisfaction que tout navigateur a ressentie de n’être pas seul sur le désert liquide.
C’était un paquebot des Messageries Maritimes, un de ces puissants et confortables vapeurs du service Marseille-Extrême-Orient.
Il avait grossi peu à peu. Les passagers calculaient qu’il croiserait le Maharatsu à moins de cinq cents mètres, quand tout à coup, sans raison apparente, le vapeur avait modifié sa route, forcé ses feux ainsi qu’en témoignaient les tourbillons de fumée noire vomis par ses cheminées et avait foncé à toute vitesse vers l’horizon, donnant à tous l’impression de fuite devant un danger.
Le navire avait-il aperçu des signes précurseurs d’un de ces terribles ouragans tournants, cyclones, typhons, tornades ?… Non, ce n’était pas cela… l’écran, manœuvré de façon à inspecter tout le dôme du ciel, ne montra nulle part le petit nuage caractéristique des tempêtes prochaines.
Et puis les paquebots, ces villes flottantes, ne se détournent pas de leur route pour un ouragan. Alors que signifiait donc la conduite de celui-ci ? Après avoir vainement envisagé toutes les hypothèses plausibles, les voyageurs avaient cessé de s’occuper de l’insoluble problème, quand Mona s’écria :
— Un autre navire en vue.