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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

més des rames, maniées de main experte par le vieux marin de Hon-Dau.

Tout là-bas au nord, un projecteur tournait sur la côte, faisant courir en cercle, sur la terre et sur les flots, un rais lumineux… Chaque fois qu’il passait, Dodekhan courbait la tête involontairement ; mais le pilote avait dit vrai, le Maharatsu arrêtait le rayon ; il couvrait comme un écran la marche de l’embarcation.

Oui, oui, on atteindrait le mystérieux navire, et s’il était bien réellement abandonné de tout son équipage… un sourire éclairait les traits du jeune homme à cette pensée. Tout bas il murmurait :

— Mona, petite Mona, tu seras sauvée !

Puis sa physionomie se rembrunissait soudain. Une nouvelle hypothèse se présentait à son esprit.

S’il restait des matelots à bord !

Et la supposition, trop vraisemblable, hélas ! lui étreignait le cœur ! Sa main se crispait alors sur la crosse d’un revolver dont il s’était muni.

Le gardien du phare de Hon-Dau ramait toujours.

Et soudain s’allumèrent deux clartés, l’une sur la droite, l’autre sur la gauche du canot !

— Qu’est-ce ? fit Dodekhan surpris.

Le rameur regarda et haussant les épaules :

— Les torpilles de garde… Ceux qui sont à terre peuvent les allumer à distance, et se rendre compte ainsi de leur position[1].

— Mais elles se mettent en mouvement, s’écria Dodekhan avec une profonde émotion.

En effet, les lumières se mouvaient maintenant. Elles semblaient courir à la rencontre l’une de l’autre, follets glissant sur l’onde mobile.

Elles paraissaient à la cime des vagues, devenaient invisibles dans le creux des lames, dont elles surgissaient pour disparaître encore.

Le vieux matelot ne s’en inquiétait pas. D’un effort régulier, presque mécanique, il enfonçait ses avirons dans l’eau, se dirigeant droit vers la coupée.

— Elles foncent sur nous !

Ce cri du Turkmène était motivé pur un changement d’allure des torpilles.

  1. Expériences exécutées, à Antibes, en mars 1906, par MM. les ingénieurs Lalande et Devaux.