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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

la vasque liquide, où tendent toutes les aspirations de leur être.

Mais Dodekhan veille. Seul il a conservé son sang-froid.

— San, dit-il, et ceux qui ont échappé à la catastrophe !

C’est un frémissement douloureux qui accueille ces paroles, trop vraies hélas ! Les malheureux regardent mieux. Oui, ils reconnaissent les farouches gardes du corps de Log… Près d’une tente même, ils distinguent la stature athlétique de San.

Ah ! l’aspect des guerriers dit le cataclysme. Les vêtements sont en lambeaux. Sur les visages se lit l’horreur de l’explosion terrible dont tout le pays a été bouleversé. Et puis des bras en écharpe, des jambes pansées grossièrement révèlent que ceux-là mêmes, faible débris des cinq cents fanatiques qui escortaient le chef des Graveurs de Prières, ont été effleurés par l’ouragan de feu où leurs compagnons ont disparu.

Un mandarin à la longue robe brune sort de la tente dressée. Il a le bouton de jade réservé aux médecins du Yun-Nan. Et San l’arrête :

— Puissant mandarin, que penses-tu ?

— Que le blessé doit être conduit à la ville la plus proche, où il sera plus aisé de lui donner les soins que réclame son état.

— Pourra-t-il supporter le transport ?

— Oui, grâce à l’élixir que je viens de lui faire prendre.

San s’incline… Il y a dans son geste une reconnaissance presque adorante. Dodekhan qui l’observe, murmure :

— Le blessé, c’est Log lui-même. Pour nul autre, cette brute de San ne marquerait pareil intérêt.

Personne ne répond, car le fidèle du Graveur de Prières reprend :

— Je fais lever le camp à l’instant.

Lentement le mandarin secoue la tête et d’un ton doctoral :

— Non, laisse ton maître reposer durant la chaleur du jour. Quand le soleil descendra vers l’horizon, alors, mais alors seulement, mettez-vous en route. N’ayez point de hâte durant la marche ; évitez les secousses. La vie humaine est fragile, prenez garde de briser le fil qui rattache celui-ci à l’existence.