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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Mais on approche encore. Le rameur a relevé ses avirons. Seul l’homme à la perche dirige l’embarcation vers une petite anse à la berge de terre rougeâtre.

L’avant s’engrave avec un grincement léger. L’un dos rameurs a prestement sauté à terre, et retenant d’une main l’avant du sampan, invite de l’autre les passagères à débarquer.

Mona est déjà debout ; mais Sara la retient par sa jupe :

— Pourquoi descendre ?

La jeune fille a un mouvement agacé. Oh ! cette paresse de la convalescence qui se traduit sans cesse par la résistance inconsciente !

Elle s’apaise aussitôt, se reproche sa vivacité.

Pauvre Sara ! Elle ne sait pas !… C’est là sans doute que le correspondant mystérieux va se faire connaître.

Et la voix caressante, parlant tout doucement comme à un baby auquel on veut rendre aisée l’obéissance :

— Nous reposer un instant sous ces beaux arbres, cela ne vous tente-t-il pas, ma chère Sara ? Quel souvenir de voyage ! Une sieste dans un gros bouquet mauve !

Une sieste dans un bouquet.

Devant l’expression imagée, la Parisienne se retrouve tout entière. Elle oublie sa langueur. Presque sans aide elle prend pied sur la grève.

Les bateliers enchaînent le sampan à une grosse racine et s’enfoncent sous les arbres. Enlacées, les passagères suivent.

Au bout de quelques pas, les feuillages cachent le Cua-Cam. Elles ont l’illusion d’une forêt vierge en fleurs, en fleurs dont le seul défaut est de n’avoir pas d’odeur. Plus belles que leurs sœurs d’Europe, elles manquent de leur petite âme parfumée.

Une clairière s’ouvre devant les promeneurs. Les bateliers s’arrêtent. Ils semblent en proie à une émotion extraordinaire qui gagne Mona, qui lui fait murmurer malgré elle :

— Est-ce ici ?

Les yeux interrogateurs de la duchesse se fixent sur elle :

— Que voulez-vous dire ?

Mais ce n’est pas la voix de la jeune fille, qui for-