Sara ne put retenir une exclamation stupéfaite.
L’inconnu semblait avoir arraché un voile de sa physionomie. Toute la figure, à présent, vivait, une figure belle sans doute, mais déparée par l’éclat sauvage, presque féroce du regard.
Entre le pouce et l’index, l’homme tenait un masque, une sorte de « loup » jaunâtre, transparent, mince comme une pellicule.
— Qu’est-ce ? balbutia-t-elle.
— Un masque d’ambre, ricana-t-il. Rien ne déguise comme cela…
D’un ton sinistre, il ajouta :
— Rien ne doit vous inciter autant au dévouement, à l’obéissance.
— À l’obéissance… protesta Sara, prête à tout le contraire.
— « Vous comprendrez quand je jugerai le temps opportun. En attendant, vous obéirez sans comprendre.
— J’obéirai… il vous plaît à dire.
En véritable Française, la petite duchesse était beaucoup plus disposée à commander qu’à subir une autorité étrangère. Toute sa personne exprimait le défi.
L’homme haussa les épaules.
— Vous obéirez… parce que vous vous êtes mêlée à mes affaires sans en être priée… et que j’exige maintenant que vous vous en occupiez sur mon ordre.
— Ah bien ! plaisanta-t-elle, pour cacher son inquiétude intérieure, si vous comptez sur cet ordre-là pour obtenir celui de la Légion d’honneur !…
— Vous obéirez, répéta-t-il avec autorité.
Elle sentit en elle quelque chose comme la peur, et cependant elle répliqua :
— Vous avez de l’aplomb, vous… vous savez !
Sans élever la voix, l’inconnu se borna à jeter négligemment cette phrase ambiguë :
— Cette jolie tête va se courber.
— Vraiment ?
— Car si elle demeure aussi altière, une autre tombera !
Ces mots sonnèrent comme le coup de hache sur l’échafaud. Tout l’être de Sara frémit, et presque sans en avoir conscience, ses lèvres s’ouvrirent, laissant jaillir un nom :