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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

sur le visage du personnage et ne pouvaient s’en détacher.

Visage singulier, d’un ton ambré, où les yeux, le menton et les lèvres seuls remuaient ; les joues, le front, le nez n’avaient pas un frémissement, pas une palpitation… ils étaient rigides, figés.

Et cette figure, à demi pétrifiée, à demi mobile, devenait effrayante.

L’inconnu comprit sans doute la pensée de la petite duchesse, car il dit avec une nuance d’ironie :

— Vous m’aviez mal vu hier… et mes traits vous produisent une impression désagréable…

Elle l’interrompit, incapable de se contenir plus longtemps.

— Vous avez dit : hier ?…

— Sans doute, affirma-t-il, le plus paisiblement du monde. Souvenez-vous, la soirée était avancée quand… j’eus l’honneur d’entrer en relations avec vous. Le soleil brille, maintenant ; c’est donc que la nuit a pris fin.

— Mais ce n’est pas possible.

Il désigna le hublot ensoleillé.

— Voyez… le soleil vous garantit la véracité de mes paroles.

— Non… ce n’est pas le jour que je conteste… c’est que j’aie pu dormir si longtemps…

Il eut un nouveau sourire. —

L’épervier qui m’a permis de… triompher, était humecté de chloroforme… Cela fait dormir, parfois pour toujours.

Elle frissonna sous la pesée du regard de son interlocuteur et courba la tête.

— Vous avez compris ? demanda-t-il. Maintenant je vais reprendre l’entretien où vous l’avez coupé. Un conseil en passant ! Personne au monde ne saurait m’empêcher de parler et d’agir de la façon et dans l’ordre que j’ai décidé. Donc ne m’interrompez plus, si vous tenez à être rapidement renseignée.

Et, après un temps :

— Je disais que mon visage vous effrayait… Je n’ai encore — il appuya sur le mot — aucune raison de vous terrifier… et puis vous n’êtes pas bouddhiste, par conséquent je consens à me montrer à vous tel que je suis.

Il avait porté la main à son front.