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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

ment figés, penchée au bord de la plate-forme, regardant en bas.

Eux peut-être, murmura-t-elle.

Un flot de sang colora son visage. Eux… c’est-à-dire ceux qui, depuis des semaines lui avaient imposé la souffrance, appris la haine ; ceux qui venaient sur la terre française avec le désir d’un crime géant !

Un frisson héroïque la secoua tout entière… En elle passa l’âpre soif des batailles, des révoltes, des vengeances.

Mona avait dit vrai.

Il lui sembla qu’un être nouveau naissait en elle !

Là-bas, au débouché du col, sur le territoire chinois, des cavaliers s’agitaient confusément. Les parois rocheuses de la passe, de par leurs sinuosités, exagéraient l’étroitesse du chemin et les regards avaient l’impression de se glisser par une meurtrière.

Dans cette zone si peu large, des formes d’hommes, de chevaux, se croisaient, allaient, venaient, semblant tenir conseil, semblant hésiter à progresser plus avant.

— Que signifie ?… commença la duchesse…

Mais elle s’interrompit brusquement…

— Tiens, un cavalier… Un éclaireur sans doute.

Beaucoup plus près, un homme, masqué jusque-là par les ressauts du rocher, s’avançait, maintenant sa monture au pas.

Les jeunes femmes se rejetèrent en arrière. Il ne fallait pas être aperçues par ce guerrier, chargé sans doute de s’assurer que rien ne s’opposerait à la marche de la troupe ennemie.

Le parasol rouge se dressait le long des murailles encerclant la plate-forme. On ne le pouvait distinguer d’en bas. Une imprudence des Européennes eût seule trahi leur présence.

Mais elles s’étaient écrasées sur le sol, derrière un renflement du rebord, et elles voyaient sans être visibles.

Toutes deux tressaillirent.

— San !

Oui, c’était le serviteur fanatique de Log, qui avait réclamé l’honneur d’éclairer la marche des terribles adversaires de la domination française, de ces sinis-