Sara, munie, par l’obligeance du lieutenant Dalmaire, d’une petite jumelle de campagne, chercha d’abord le village de Ki-Lua, puis le poste, où le déclenchement d’une simple manette déchaînerait dans la passe un cataclysme sans nom.
— Je le vois ! s’écria-t-elle.
— Qui ou quoi ?
— L’officier.
— Vous le distinguez bien ?
— Parfaitement. Il nous regarde. La longue-vue est dressée sur un trépied devant sa porte…
Et avec une vivacité soudaine :
— Votre mouchoir, Mona, votre mouchoir…
Déjà la pétulante Sara avait déployé le sien et l’agitait, tout en conservant aux yeux l’oculaire de la jumelle.
— Il a compris, reprit-elle… le voilà qui, lui aussi, agite son mouchoir.
Elle passa gentiment la lorgnette à sa compagne.
— Regardez, Mona… Vous le voyez, nos signaux seront parfaitement perçus là-bas. Je suis heureuse de m’en être assurée. Je craignais toujours que quelque chose allât de travers.
Puis, d’un ton décidé :
— Maintenant, assez de fantaisie. Il s’agit de dessiner comme nous nous y sommes engagées. Qu’est-ce que cela fait ?… Je n’exposerai pas mon travail, n’est-ce pas ?… Et les amateurs qui le pourraient critiquer ne le verront que de très loin, puisque ce seront des espions.
En riant, la duchesse ajouta :
— Rien n’avantage le grand art comme de l’admirer à distance, en marchant vite, et, si possible, dans l’obscurité.
Tout en parlant, l’aimable jeune femme s’installait ; son crayon rapide jetait sur le papier un croquis audacieux, et, puisant dans la situation un entrain nerveux, elle bavardait :
— Voilà bien la première fois de ma vie que je comprends l’utilité des arts dits d’agrément.
Elle allait exercer sa verve contre elle-même… une légère exclamation de Mona trancha son improvisation.
— Oh ! qu’est cela ?
Interrompant son dessin, la duchesse leva les yeux sur la jeune fille. Elle la vit pale, les traits soudaine-