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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

dragon, fleurs emblématiques de Tao-Ssé, ses compagnons, lui-même, seraient en sûreté.

Et tout bas, coulant un regard furtif vers Mona, il murmura les paroles prononcées naguère par l’enfant assise sur son épaule :

— La vierge aux cheveux de soleil !

L’appellation poétique, lumineuse, eut une répercussion délicate et douce sur son cœur.

Il se sentit reconnaissant envers la pauvre petite vagabonde si dévouée, qui, au fond de son âme, avait puisé cette-parole pure, et Sourire sentit que le bras de son porteur la serrait plus fort, sans deviner que le mouvement la remerciait d’avoir nimbé d’une auréole le charmant visage de la jeune Russe.

La barrière enfin ! Dodekhan la pousse, fait entrer ses compagnons, laisse retomber le battant de bois ajouré. Les fugitifs sont dans la cour de la bonzerie, maintenant ils n’ont plus rien à craindre de leurs ennemis.

À droite et à gauche, s’alignent de longues constructions de briques roses et blanches, alternant avec des carreaux vernissés reproduisant le jaune lotus-dragon sur fond grisaille ; les toitures de tuiles violettes, rappel du nom du philosophe (Ssé, « violet »), donnent une gamme étrange de couleur, et indiquent les cellules où résident les bonzes.

Au centre de la cour, une colonne octogonale, à sept toitures superposées, qu’entourent, ainsi que des rostres, des vasques à offrandes, sortes de valves de pierre, dont le fond est mobile pour laisser tomber à intérieur de la colonne, les présents qu’y déposent les pèlerins.

Au delà, le sanctuaire avec ses parois de bois découpé, laquées, multicolores, ses toits enchevêtrés, que surmontent des poinçons dorés épanouis en lotus-dragons. Et sa porte jamais close, avec les cinq cubes de marbre, sur chacun desquels le pèlerin doit faire une station et un tour complet de son moulin à prières[1], avant de s’avancer dans le compartiment des Vases Saints, bronzes contournés selon la fan-

  1. Cylindre sur lequel sont peintes ou gravées les sentences religieuses, suivant des bandes parallèles à l’axe de rotation. C’est, pourrait-on dire, le chapelet des Bouddhistes, Lamaïstes et Taoïstes.