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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

le temps de bondir auprès d’eux, leur dit tranquillement :

— Le chemin est coupé ! S’il n’en est pas d’autre aux environs qui soit praticable pour les chevaux, nous sommes sauvés ; sinon…

Il n’acheva pas sa pensée, mais reprit, le ton changé :

— En route. Il est inutile que nos ennemis nous aperçoivent lorsqu’ils vont arriver au bord de la crevasse.

Lucien haussa les épaules :

— Nos ennemis, les croyez-vous donc si proches ?

Un triste sourire du Turkmène se posa sur Mona, puis il répondit au duc :

— Écoutez, vous le croirez aussi.

Et le jeune homme, prêtant l’oreille, perçut au loin le bruit des sabots des chevaux frappant le roc.

Déjà Dodekhan s’éloignait à grands pas. Tous s’élancèrent dans ses traces.

Il était temps. À peine avaient-ils disparu, à l’abri d’un angle de la corniche sinueuse, que des cris de rage, des clameurs irritées parvenaient jusqu’à eux. Les poursuivants venaient d’atteindre la crevasse.

Les Fullfull hurlaient d’apercevoir leur automobile brisée, déchiquetée, au fond du gouffre. Les Esprits Noirs clamaient leur colère de trouver le pont détruit, la route coupée.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— À quelle distance de la frontière sommes-nous approximativement ?

— À vingt kilomètres environ de la passe de Ki-Lua ; à vingt-cinq du premier poste français, établi en avant du village annamite dont le défilé porte le nom.

— Vingt-cinq, c’est une promenade… sérieuse.

Sur ces répliques échangées par Sara et Dodekhan, les fugitifs s’étaient remis en marche. En toute autre circonstance, les Parisiens, Mona eussent été frappés de la beauté de la route de montagne qu’ils suivaient.

Tantôt c’était une simple corniche, brusquement coupée par une falaise à pic, au pied de laquelle bondissaient les eaux du Ma-Ho, brisées en remous écumants par les roches semées dans son lit.

Tantôt les pentes s’adoucissaient, se couvraient