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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

Log en personne, qui s’était arrêté un instant pour dire à son fidèle San :

— Plus à hésiter… Trop près de la frontière du Tonkin français. Il faut frapper…

L’athlète répondit par un sourire de fauve.

— Tu vas partir pour la passe de Ki-Lua, qui donne accès dans ce Tonkin maudit.

— Et j’allumerai le feu rouge des massacres…

— À la cime du Fiancé de la Nuit. Si ces misérables m’échappent, ils arriveront trop tard pour empêcher l’anéantissement des Français, et en dépit d’eux, la grande partie vengeresse sera engagée.

Brutalement, Log enfonça ses éperons dans les flancs de son cheval. Celui-ci se cabra avec un hennissement de douleur, puis partit comme une flèche sur les traces des cavaliers déjà à quelque distance.

San regarda disparaître son maître. Après quoi, il se frotta les mains, se dirigea lentement vers un auvent, sous lequel était abrité un superbe cheval bai. Il harnacha l’animal, puis sautant on selle, il murmura :

— Je vais traverser la rivière. Sur l’autre bord, la route est moins fréquentée. Ce soir, je serai près de la passe de Ki-Lua… Au milieu de la nuit, j’enflammerai le Fiancé de la Nuit. Sa lueur se répercutera sur le Tonkin, l’Annam, la Cochinchine, le Cambodge… La terre indochinoise empruntera un manteau de pourpre au sang des Français.

Sur ces paroles barbares, il poussa son cheval et quitta le caravansérail de Ma-Peï. Ni lui ni Log n’avaient fait attention à un groupe de dormeurs qui se trouvait emmêlé sur le sol à quelques pas.

Il y avait là un amoncellement de gens et de bêtes, un fouillis de bras, de jambes, de pattes qui, de prime abord, avait de quoi surprendre.

À peine cependant Log eut-il disparu, que ce fouillis parut s’animer, se remettre en ordre.

Des torses se dressèrent et, au bout de dix secondes, il fut aisé de reconnaître deux enfants d’une douzaine d’années, puis deux panthères noires.

C’étaient Joyeux, Sourire, et leurs amies à quatre pattes.

— Tu as entendu, Sourire ? murmura le gamin.

— Oui ; ce méchant San doit allumer le feu rouge, rouge, pour ordonner le massacre de tous les Français.