— Vous tous présents, écoutez les paroles que le Maître charge ma bouche de prononcer :
Le Maître du Drapeau Bleu se rit des Diables étrangers.
Ces êtres inférieurs enferment leurs âmes dans des corps de femmes… comme celles que vous voyez là, devant vous.
« Il veut marquer son mépris pour ces âmes d’Europe. Elles vont danser afin d’amuser les fils de Han (ainsi se désignent les Chinois).
Dans la roulotte, Lucien serrait rageusement les poings.
— Sara, contrainte à une chorégraphie imbécile devant ces coquins !
Et prenant son revolver :
— Si j’abattais ce Log !
Mais Dodekhan lui saisit le poignet :
— Je vous le défends.
— Je suis seul juge de ma conduite.
Son compagnon secoua lentement la tête.
— Non, mon pauvre ami.
— Non ?
— J’ai consenti à travailler avec vous à protéger les Français contre les menaces sanguinaires de Log… Croyez-vous n’être pas engagé à respecter l’œuvre à laquelle j’ai voué ma vie ?
L’argument frappa le duc en pleine loyauté.
— Mais abandonner Sara…
— N’ai-je pas promis au besoin d’abandonner Mona ?
— Ah ! gémit Lucien avec une profonde tristesse… Vous avez raison… je ne suis pas même libre d’aller mourir avec elle… car je vous trahirais.
D’une main tremblante, il replaça son arme à sa ceinture, puis se laissa tomber sur un siège où il demeura, la tête penchée sur la poitrine, anéanti par l’atrocité de la situation. Sa femme, là, à deux pas, insultée, torturée par des bandits, et l’honneur, ironie des mots, ironie des faits, l’obligeant à assister impassible, muet, ignoré, à ce spectacle !
Très ému, Dodekhan se pencha sur lui :
— Rassurez-vous ; ils ne les tueront pas ; ils ne les feront même pas souffrir beaucoup.
Et le Français levant vers lui un regard questionneur :
— Ils veulent que le récit de l’aventure se propage