Page:Ivoi - Le Maître du drapeau bleu.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Ils ne le connaissent pas.

— Tu te trompes… j’ai été imprudent… j’ai raillé mes captifs en présence de leurs gardiens. J’ai annoncé le massacre des Allemands, puis celui des Français… Le premier n’a pas eu lieu… Que le second ne se produise pas… et qui sait si ceux-là mêmes sur qui je comptais le plus ne trahiront pas le Maître impuissant pour retourner à Dodekhan :

Et son interlocuteur gardant le silence.

— Il faut que le fugitif retombe en mon pouvoir. Il le faut… Oh ! alors, je le jure, je saurai lui arracher son dernier secret.

À ce moment l’un des travailleurs s’approcha des causeurs :

— Tout est prêt, Maître, dit-il.

— Bien, répliqua le géant, qui, s’adressant à San, continua : va chercher nos captives… va, l’instant est venu.

Mais San ne bougea pas. Un petit homme, jaune, bedonnant, couvert de la casaque chinoise, étalant cette malpropreté inconsciente dont les Extrême-Orientaux détiennent le peu enviable record, venait de se dresser devant les athlétiques Graveurs de Prières.

D’une voix aigrelette, il psalmodiait :

— Maître vénéré, Masque d’Ambre admirable, permets à un chétif affilié des Cent grains de Riz (société secrète qui fournit presque exclusivement les pirates dits Pavillons Jaunes), permets-lui d’élever la voix en ton auguste présence.

— Qu’as-tu à me dire ?

— Ceci. Parmi les voyageurs, il se trouve deux personnages couverts de vêtements de Diables étrangers (Européens). Peut-être te déplairait-il qu’ils pussent rapporter ce qui va se passer.

Log regarda son interlocuteur. Une hésitation se peignit sur ses traits ; mais brusquement :

— Où sont ceux-là ?

L’affilié du Riz désigna une sorte de wagon de couleur brune, remisé dans un angle de la cour.

— Ils sont dans leur Yamen (maison, palais) roulant.

Dans l’espèce, le palais ressemblait à l’un de ces entresorts où vivent les forains d’Europe.

— Qu’est-ce que ces gens-là ? reprit Log avec une grimace mécontente.