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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

— Nous sommes en pays étranger… nos adversaires inconnus sont évidemment sur leurs gardes et, l’aveu me coûte mais il est nécessaire, je ne vous vois pas venir à bout des deux hercules… Elle l’arrêta :

— Quiconque sait le guet-apens et ne s’y oppose pas, en devient complice.

— Oh ! complice, si l’on veut…

— Non pas. Qu’on le veuille ou non… Et je pense qu’un duc de vieille roche, une duchesse de fraîche date ne sauraient admettre l’hypothèse, comme disait le professeur de mathématiques.

Le jeune Français leva les bras au ciel, en un geste d’éloquente impuissance.

— Le jour baisse, le temps presse… À moins de remonter dans notre canot, de retourner là-bas et de nous faire assommer par ces mystérieux gaillards…

À vaincre sans péril, on triomphe…

— Non, Sara, pas de citations… c’est une solution du problème qu’il nous faudrait.

— Je n’ai jamais su résoudre un problème… Ah si !

Lucien interrogea sa compagne du regard.

— Se battre pour être battu, reprit-elle, ce n’est pas possible ; je suis de ton avis… Mais la personne que menacent les pêcheurs suit le sentier du bord de l’eau jusqu’à la route qui se dirige vers Oud-Beyerland… tu te souviens, ils l’ont dit…

— Oui, en effet.

— Eh bien, qui nous empêche de nous embarquer ? Nous aborderons à quelques centaines de mètres en aval du point où les coquins sont aux aguets… et nous préviendrons leur… victime au passage.

— Mais nous ne la connaissons pas.

— Oh ! il y a si peu de promeneurs dans cette campagne… et puis nous arrêterons tout le monde.

— Bravo ! ma chère Sara, tu es un ange !

Cinq minutes plus tard, par une des rues mornes de la petite cité, les deux époux parvenaient au quai du Haringvliet.

Ils délièrent l’amarre qui retenait leur canot électrique au pied d’un embarcadère sur pilotis, et la légère embarcation, évoluant sur l’eau calme que le crépuscule commençant teintait de gris, s’élança à toute vitesse dans la direction opposée à la mer.