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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

haratsu, d’où sa connaissance parfaite de la machinerie du navire lui avait permis de communiquer avec la passerelle, bien inutilement hélas ! Dodekhan ne s’était jamais trouvé en présence de Log.

Et il attendait, avec une curiosité anxieuse, ce qu’allait lui révéler le géant jaune, jadis son lieutenant, aujourd’hui son geôlier.

Mais s’il y avait de l’angoisse dans son attente, l’attitude du jeune homme n’en laissait rien deviner.

Son beau visage exprimait l’indifférence ; son regard, habituellement empreint de douceur, dardait un éclair noir sur celui qui l’avait capturé.

Près de lui, Lucien, soutenu par l’orgueil de race, redressait son buste un peu frêle, et appelait sur ses traits de blond légèrement effacés, toute la dignité, toute l’énergie qu’un duc peut extraire de la pensée que son nom ombrage onze siècles, sous les rameaux, sans barre et sans soudure, d’un glorieux arbre généalogique.

— Noble Dodekhan, reprit Log d’une voix lente, monsieur le duc de la Roche-Sonnaille, je vous demanderai la permission de faire brièvement l’historique de nos relations.

— Ah ! fit Lucien. Puisque je ne suis pas libre de m’en aller, la permission est inutile.

L’athlète ne sembla pas avoir entendu.

— Votre père, Dodekhan, a employé sa vie à grouper en un faisceau les sociétés secrètes de l’Asie. Il a ainsi façonné la plus merveilleuse puissance qui ait jamais existé sur la terre. Plus de cent millions d’hommes, répartis dans toutes les classes de la société, obéissent à des ordres mystérieux, travaillant, chacun dans sa sphère, à un but général qu’ils ignorent.

Il fit une pause, puis ne recevant pas de réponse il continua :

— Cet apôtre retourna à Bouddha. Vous, son fils, avez hérité de son influence… Mais vous êtes bien jeune, vingt-trois ans aujourd’hui !… Le successeur, l’héritier eût dû être le lieutenant du vieux Dilevnor, moi.

Sans doute, le mutisme de ses interlocuteurs agaçait le Maître du Masque d’Ambre, car sa voix se fit plus dure.

— Pourquoi Dilevnor m’avait-il choisi ? À cause de ma qualité de chef des Graveurs de Prière, du respect