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LE MAÎTRE DU DRAPEAU BLEU

mignonne, ignorante des affectueux pensers, devinait que la tendresse de Mona était autre que celle de la Nippone.

Mais la voix de Log monte jusqu’aux enfants.

— Amenez-moi la Française.

Il vient de lancer cet ordre à l’un des siens qui, debout sur le seuil de la retraite souterraine, attendait respectueusement qu’il plût au Maître d’exprimer un désir.

— Une Française maintenant, grommela Joyeux en s’appliquant une calotte sur le crâne… Ah ça ! il a juré de me rendre fou.

— Qu’est-ce que c’est qu’une Française ? demanda timidement Sourire.

— Une Française c’est une Barbare d’un pays lointain… très loin… du côté du soleil couchant…

Il parait que les siens ont envahi la Chine, avec un général très terrible, du nom de Christ, qui voyageait couché sur le Tigre et le Dragon, représentés par deux solives en croix.

— Oh ! mais cela est impie.

— Aussi, ils ont été punis. À la prière des saints bonzes, le Dragon Noir de la Lune a sauté sur la terre, et les a tous dévorés… je croyais même qu’il n’en restait plus[1].

— Qui t’a appris tout cela, Joyeux ?

— Le contremaître Jorki. Oh ! c’est un homme de savoir… et tout en travaillant, je cause beaucoup avec lui, car c’est très malheureux d’être ignorant…

Le gamin allait probablement se lancer dans des considérations intéressantes sur les bienfaits de l’instruction, mais un mouvement se produisit dans le vallon… Sa phrase resta en suspens.

— Attention, Sourire… ça remue en bas.

En effet, Sara de la Roche-Sonnaille apparaissait, suivie de deux des hommes de Log.

— Encore une jeune fille, susurra l’orpheline.

Log s’inclina cérémonieusement.

— Madame la Duchesse, j’ai l’honneur de vous présenter mes respects.

— Ce n’est pas la Française, murmura Sourire,

  1. C’est ainsi que les bonzes enseignent l’histoire de la dernière expédition de Chine. — Traduction exacte de parchemins scolaires.